Madame le ou madame la ?

A l’heure où la moitié de l’humanité est citadine, jusqu’où métropoles et villes moyennes peuvent-elles agir pour répondre aux grands défis internationaux ? Crises migratoire, environnementale, démocratique… Quelles sont leurs marges de manœuvre pour peser sur la marche du monde ? La question était au cœur des débats de la Ouishare Fest, organisée à Pantin du 5 au 7 juillet sur le thème « Villes de tous les pays, unissez-vous ! », et qui a réuni des acteurs de l’économie collaborative et de la gouvernance urbaine. Après l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, trois cent cinquante villes américaines se sont regroupées au sein de l’organisation Mayors National Climate Action Agenda pour affirmer leur volonté d’agir en faveur de la transition écologique. Une décision importante pour le Britannique Mark Watts, car elle « signifie que la décision de Donald Trump n’a pas suscité de découragement mais plutôt galvanisé les énergies des maires pour agir en faveur du climat ». Mark Watts dirige le C40, réseau de quatre-vingt-six métropoles mondiales (dont New York, Séoul, Mexico…), créé en 2005 et actuellement présidé par la maire de Paris, Anne Hidalgo. Pour lui, le pouvoir des villes est réel, car elles disposent de nombreux atouts pour collaborer et partager leurs expériences : « Au sein de nos groupes de travail, il y a beaucoup de souplesse, nous définissons des dénominateurs communs et imposons peu de règles ou de barrières. Les maires qui veulent travailler ensemble sur un thème le font tout simplement. Ce n’est pas le cas des Etats-nations, qui doivent défendre leurs frontières et leur économie, cela rend les choses compliquées pour les chefs d’Etat lorsqu’ils veulent se rassembler et travailler ensemble. » L’environnement est au cœur du projet du C40, qui a défini une liste d’actions pour doter d’ici à 2020 les villes membres du collectif d’un plan de lutte contre le réchauffement climatique, plus contraignant que l’accord de Paris. Des réseaux de villes émergent sur d’autres sujets. Barcelone a réuni du 9 au 11 juin un sommet des « villes sans peur » pour « résister à la xénophobie, à l’extrême droite et à la puissance des multinationales », en présence des maires de Madrid (Espagne), Naples (Italie), Grenoble (France), Valparaiso (Chili), Berkeley (Californie). Pour Francesca Bria, directrice de l’innovation de la Ville de Barcelone, la collaboration entre cités est nécessaire face à la toute-puissance des plates-formes numériques commerciales « qui menacent la souveraineté politique des villes. Les villes sont des victimes d’Uber ou d’Airbnb. Il faut trouver des moyens d’agir face à ces nouveaux modèles qui dictent leur loi ».

Il est toujours révélateur lorsque l’on écrit quelques lignes sur la féminisation des noms de métiers de se voir, pour certains d’entre eux, rappeler à l’ordre par le « correcteur »  de son ordinateur… je vais dès demain  prendre l’application « correctrice ».

Ce débat animé n’est pourtant pas récent, comme le rappelle  l’ouvrage « Femme , j’écris ton nom » * : déjà en 1929, dans  son recueil au titre évocateur, « Querelles de langage », le grammairien André Thérive citait « la querelle des féminins, qui a fort agité l’opinion […] », et évoquait, entre autres, l’acceptabilité de doctoresse et de autoresse, la fortune de chefesse et typesse, la connotation ironique donnée à peintresse et la rareté de artisane. »

Aujourd’hui encore, si une femme dirige  une école, on dira naturellement Madame la directrice ; mais si elle gère une entreprise ou une collectivité locale on hésitera encore trop souvent entre Madame le directeur ou la directrice .

J’aime assez l’idée que Madame le Directeur ramène à la fonction, et Madame la Directrice à la personne… l’occasion de rappeler à certains managers territoriaux, souvent masculins, que  l’autorité n’est pas directement liée à la fonction !

Hugues Perinel

* Femme, j’écris ton nom… : guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions d’Annie BECQUER Bernard, CERQUIGLINI, Nicole CHOLEWKA. Editions La Documentation Française.